La municipalité publie régulièrement le journal d’information municipal « Le Petit Péronnais » qui est distribué dans les boîtes aux lettres des habitants de la commune. Pour toute information relative au journal municipal (ou non réception du Petit Péronnais), merci de contacter la Mairie.

Archive: Petit Peronnais 105

Peron_couverture_journal_municipal_105.png

Cliquez ici pour télécharger ce numéro


A la Une ce mois-ci: Départ de Mr Duparchy

vignette_Peron_une_journal_municipal_105.png

Petit Péronnais : Pourquoi avoir choisi le métier d’instituteur ? Auriez-vous aimé faire un autre métier ?

Robert DUPARCHY : Je vais vous faire une confidence. Pour moi, enseigner n’a pas été vraiment une vocation au départ. Il m’a fallu du temps pour ressentir une certaine légitimité. J’ai eu l’opportunité de me présenter au concours des instituteurs en fin de 3ème. Les épreuves, je les ai d’ailleurs passées sans aucune pression car, à ce moment-là, je ne me représentais pas toutes les responsabilités de ce métier. Mes parents m'avaient aussi laissé la possibilité de reconsidérer cette orientation après la Terminale. J'ai continué mes études au lycée en étant plus à l'aise en maths et sciences physiques. Après le baccalauréat, j'étais toutefois plus attiré par une formation artistique comme les Beaux-Arts ou par une école d’Architecture, mais ces métiers-là n’étaient pas encore à la mode et j'avais eu peu de sensibilisation à ces domaines dans ma scolarité. J’ai finalement intégré l'école normale d'instituteurs pour trois ans. Durant cette formation, il y a eu beaucoup de stages pratiques dans les écoles. J'ai réalisé que ce métier tourné vers les autres et l'enfance ne me déplaisait pas, même si le côté trop scolaire n'était pas toujours à mon goût. Et pourtant, c'était ce côté scolaire qui m'avait fait réussir aux examens ; je peux tout de même remercier mes enseignants ! L'envie de pratiquer et de faire pratiquer des disciplines artistiques a donc très vite ressurgi (chant, arts plastiques, théâtre, danse, poésie). Il a fallu apprendre au fur et à mesure, en même temps que les enfants. Cela m'a permis aussi de travailler intérieurement sur mes propres peurs. J'étais quelqu'un de timide ...

Dans les dix premières années d'enseignement, je me suis orienté vers le métier d’éducateur spécialisé dans le Jura. Cet aspect moins classique, alliant apprentissage de travaux manuels, sport et contacts humains, me convenait bien. Mais ce n’était pas toujours facile psychologiquement de travailler avec des adolescents qui avaient des lourds vécus émotionnels. Les éducateurs, qui avaient souvent entre 20 et 30 ans, étaient confrontés à des situations parfois compliquées à gérer. Entre temps, j'étais parti deux ans à Niamey au Niger pour une coopération de service civil en école primaire française, ce qui remplaçait le service militaire national de l’époque. A un peu plus de vingt ans, l'Afrique me montrait une autre façon de vivre, avec peu de choses, à cent lieues de nos habitudes occidentales.

En quittant l'enseignement spécialisé, j’ai effectué d‘abord des années de remplacement, puis j'ai été titulaire de postes dans le cursus primaire de l’Education nationale. Cherchant toujours ma voie, j'ai pris un congé formation d’un an à Paris pour un DEUG Arts plastiques à l'Université. Après ces différentes étapes, j’ai eu envie d'approcher les enseignements différemment, en étant plus proche de mes valeurs. J'ai donc posé mes valises professionnellement à Genève pendant trois ans pour découvrir une pédagogie alternative axée sur l’humanisme, où le développement artistique et personnel avait une grande part. C’est ainsi que je suis arrivé et resté dans le Pays de Gex.

A mon retour dans l'Education Nationale française, après un an de remplacement à l’école de Pougny, j’ai eu une classe de CM1/CM2 à Péron, et cette fois, je ne suis plus reparti. Au niveau professionnel, j’ai souhaité mettre en place un « mix personnel » de tout ce que j’avais pu aborder auparavant. Puis je suis devenu directeur de l’école de Péron par la force des choses. En effet, à la fin de ma première année, Monsieur DEVESA, l’ancien directeur, est parti ; son remplaçant, Monsieur SIMONE, a assuré l’intérim pendant un an. Mais l’année suivante, il n'y avait personne de nommé à la rentrée et ce poste m’a été imposé pour une année. Après les efforts consentis lors de cette première année, j’ai décidé de continuer d’assurer ce rôle.

Rétrospectivement, je peux me rendre compte que la route n’a pas été toute droite, mais que tous les virages ont eu leur importance…

PP : Comment cultiviez-vous des relations positives avec vos élèves et de quelle façon avez-vous su créer un sentiment de communauté de classe ?

R.D. : D'abord, personne n'est parfait. J'ai rencontré mes propres difficultés et mes propres limites. Je me suis beaucoup remis en question. Parfois, trop... Mais je suis toujours resté basé sur l’être. A mon sens, quand on est bien dans ses baskets, le reste suit. J’ai essayé avant tout d'inculquer à mes élèves la culture du beau et des choses bien faites. C’est pour cette raison aussi que j'ai très vite éprouvé le besoin de commencer la journée par une matière artistique, que ce soit de la musique ou de la poésie. Quoi de plus beau qu’une chanson bien écrite ou un texte poétique bien ressenti pour qu’un enfant s’intéresse naturellement à l’aspect littéraire ! Je ne voulais pas non plus faire trop travailler leur mental en tout début de journée. Je souhaitais que leur sensibilité aux belles choses se développe. A l'âge du primaire, les enfants ont une vitalité naturelle. La plupart ont une oreille musicale bien supérieure aux adultes. Ce sont aussi des éponges émotionnelles. Il faut travailler avec tout cela. Les années futures dans l’Education nationale devront, pour ma part, approcher davantage le côté sensible : artistique et émotionnel. Sur l'initiative des délégués de parents, l'école de Péron a commencé à introduire l’approche émotionnelle auprès des enfants et adultes, grâce à quelques interventions d'une personne compétente. Cela ne résout pas tout directement mais permet de planter les premières graines, de se poser des questions devant les difficultés relationnelles et devant certains blocages. C’est un travail de tous les instants pour les enseignants.

Si j'avais la charge de la constitution des programmes scolaires en primaire, avec des groupes d’élèves plus restreints et du personnel supplémentaire qualifié, j’intégrerais volontiers plus d’ateliers pratiques et artistiques comme la cuisine, les travaux manuels, les danses de groupe, ou le théâtre, surtout sur les après-midis. Ces activités créent des liens positifs avec les adultes, entre les élèves, et sont très formatrices au niveau humain. Il faut aussi garder de l'exigence au niveau de l'Instruction et de l'Education. Mais le plus difficile pour tous, éducateurs, enseignants et parents, est d'amener cette exigence dans la détente. Cela reste un défi compliqué qui peut demander une vie entière car il faut beaucoup de détermination et apprendre à se libérer de ses propres conditionnements.

P.P : Vous nous avez déjà un peu répondu, mais quelles sont les différences entre vos différentes casquettes, instituteur et directeur ?

R.D. : Enseignant, c’est avoir un lien direct et plus approfondi avec les enfants. C’est une grande responsabilité et le nombre important d’élèves par classe ne facilite pas la tâche. Le rôle de directeur nécessite une vision plus large et des liens proches avec tous les adultes qui œuvrent pour l’école. Il faut écouter tous les acteurs puis décider personnellement ou collectivement. Avoir enseigné pendant de nombreuses années m’a beaucoup aidé pour la direction de l’école. Les années à mi-temps enseignant et mi-temps direction m’ont cependant demandé de réels efforts. Il y avait le côté administratif ; je ne vais pas vous mentir, ce n’est pas celui que j’ai le plus affectionné surtout pendant la période Covid. Je ne suis pas vraiment fait pour l’ordinateur. En revanche, j’ai beaucoup apprécié le côté relationnel que m’a ouvert ce poste de directeur, que ce soit avec les enseignants, Atsems, AVS, avec les élèves et les parents, ou avec les différents partenaires comme la mairie et tout le personnel communal, le centre de loisirs. Au tout début, j’ai pris les choses comme elles venaient et observé. Ensuite, avec la réflexion et le « feeling », on finit par monter de beaux projets ensemble.

P.P : En parlant de fierté, de quoi êtes-vous le plus fier dans votre carrière ?

R.D. : Tout a son importance en fait... Je pourrais mettre en avant les parcours d’élèves qui présentaient des difficultés au départ et qui, au fil des années, grâce aux aides, ont trouvé leur place dans l’école. Voir cette année, une fille russe se retrouver sans problème avec un garçon ukrainien dans des cours de soutien en langue française ne laisse pas indifférent. L’Ecole joue alors pleinement son rôle.

Ce n’est pas vraiment une fierté à proprement dit, mais ce qui a le plus compté personnellement, je dirais, c’est le dépassement de soi. Ce chemin de vie dans l’enseignement m’a conduit à aller souvent au-delà de mes forces, à affronter certaines peurs, à travailler constamment sur la confiance en soi en ne reniant pas certaines convictions. Plus jeune, j’ai beaucoup pratiqué les sports d’endurance. Cela m’a peut-être servi… De manière inconsciente au départ et plus consciente par la suite, je pense que ce qui m’a aussi guidé, c’est cette perpétuelle recherche de la compréhension de l’enfance et des relations humaines en général. Il y avait aussi très ancré en moi un refus viscéral de l’injustice. J’aime les relations simples et sincères.

P.P : Quels souvenirs garderez-vous de votre passage à l’école de Péron ?

R.D. : Ces dernières années, dans la vie de l’école à Péron, il y a eu des évènements forts, que ce soit dans le positif comme dans le négatif. Et l’on apprend de tout. Mais si je ne devais retenir qu’une chose, ce serait la construction d’un esprit d’école dans le respect des diversités de chacun. Grâce à l’aide des enseignants et de parents d’élèves adhérant à une certaine idée de l’éducation, des manifestations collectives régulières se sont installées pour les enfants. Je me rends compte qu’ensemble nous avons réussi à proposer tout cela : le jardin, la soupe, le cross, les contes et les chants à Noël, les sorties neige, le Carnaval, le nettoyage de printemps, l’hymne à la joie au 8 Mai, les kermesses, les classes de découverte... Outre la joie que ces rencontres procurent aux enfants dans l’instant, elles leur apportent des éléments éducatifs formateurs pour l’avenir.

P.P : Quels conseils donneriez-vous à une personne désireuse de devenir institutrice ?

R.D. : C’est drôle, je me suis posé cette question il n’y a pas longtemps. Pour être totalement transparent, je ne sais pas si, moi-même, je repartirais dans cette voie avec les conditions actuelles. Le nombre important d’enfants par classe peut devenir un véritable frein. De manière générale, les élèves sont moins dociles, beaucoup plus directs dans leurs propos. Ils demandent beaucoup d’attention, et pour un enseignant, il est difficile d’exercer avec la frustration de ne pas pouvoir accorder le temps nécessaire à chacun. Cela peut créer des tensions. Nous nous en sommes rendus compte lors de la pandémie. Nous avons pu enseigner à des classes en demi-groupe, c’était bien plus facile de s’occuper correctement des élèves dans leurs différences. Si l’on excepte la mise en place des protocoles sanitaires, l’atmosphère était plus détendue en classe.

Pour se lancer dans l’enseignement, je n’ai pas vraiment de conseils à donner mais je pense qu’il faut vraiment aimer ce métier, être déterminé et savoir se remettre en question par moments. Il faudrait aussi garder en tête que tous les enfants ont quelque chose à nous montrer personnellement.

P.P : Comment envisagez-vous la passation avec votre remplaçante, Sylvie TORLET ?

R.D. : Je ne me fais aucun souci à ce sujet. Sylvie connaît déjà le fonctionnement de l’école, exerçant à Péron depuis deux ans. Elle a de l’expérience en tant qu’enseignante et directrice. Elle a le sens du collectif et nous partageons les mêmes valeurs, les mêmes exigences. Nous allons travailler ensemble pour cette rentrée scolaire. Pour les derniers renseignements, elle aura toujours l’opportunité de me contacter directement après le 31 août, même si je tiens à m’effacer et lui laisser pleinement sa place. Elle apportera bien-sûr ses propres qualités.

P.P : Une retraite bien méritée se profile, comment allez-vous occuper votre temps ?

R.D. : Je pensais avoir le temps ces dernières années de mieux préparer ma retraite. Mais, j’ai été finalement bien occupé, entre la pandémie, les soucis liés à la direction, la vie familiale. En premier lieu, j’aurai plus de temps à accorder au soutien de ma mère qui a 95 ans. Je vais aussi me laisser porter petit à petit vers d’autres horizons. Il est toujours difficile de dire de quoi sera fait l’avenir, c ‘est un saut dans l’inconnu, mais je me vois bien passer une retraite artistique en pratiquant plus l’aquarelle et en continuant la guitare et le chant.